Salagir's Blog

Certains films commencent et finissent sur le personnage principal assis à un bureau, souvent face à un policier, qui va narrer l’histoire pour nous.
Comme le film est visuel et que l’histoire prends vite le premier plan, on peut souvent oublier qu’elle est en réalité racontée par un personnage, sauf si l’on revient souvent sur l’interrogatoire.
Et c’est rarement un interrogatoire, plutôt un monologue où le personnage principal s’avère à l’évidence être un fin conteur qui ne se fait jamais couper.

Je trouve ce procédé nul.

Déjà, je n’y vois aucun avantage. Ou alors peut-être un, minime : il montre que le héros sera arrêté, et ainsi qu’il y aura un drame. Le spectateur sera peut-être plus en haleine car il attends un mystérieux événement.
Si ce n’est pas un interrogatoire, cela permet quand même de savoir que l’histoire du film n’est pas banale puisqu’un personnage pense qu’elle vaut le coup de la raconter.
En bref, le réalisateur est conscient que son film est tellement chiant qu’il doit commencer par un spoiler pour nous faire rester :)

Je vois par contre nombre d’inconvénients.

Inconvénient 1
On sort de l’action de la vraie histoire à chaque fois qu’on revient à l’interrogatoire.
Et ce n’est pas pour ajouter un élément pertinent. C’est souvent juste une pause, qui ne nous apprend rien.
Cela renforce l’information que tout cela n’est que fiction, que ce n’est pas réel, pas important. On se détache.
Ou alors cela renforce que tout cela s’est déjà passé. Ça nous rappelle à chaque fois que toute scène de suspens sera un peu artificielle : elle est déjà résolue au moment où le héros parle.

Inconvénient 2
On sait d’avance que le héros va survivre. Et dans beaucoup de cas, films d’actions particulièrement, cela enlève pas mal de suspens possible.

Inconvénient 3
Soit le film est bien fait, et on ne suit alors que le point de vue du héros. Interdiction d’avoir une scène où il n’est pas là. C’est un exercice intéressant et je pense même que ça améliore la qualité. Je n’aime pas trop les histoires qui se dispersent à raconter pleins de scènes voire des histoires complètes sans les héros (hein, One Piece ?). Mais ça limite.
Soit le film est mal fait, et il montre des scènes que le héros n’a pas pu voir ! Et du coup c’est incohérent.

Inconvénient 4
Comme on est dans un film et pas dans un vrai interrogatoire, le héros va raconter nombre de scènes qui rendent le film plus intéressant, mais dont le policier en fait se fout royalement.
Nous on est content de voir les scènes entre Alan Turing (Benedict Cumberbatch) et Joan Clarke dans Imitation game. Et d’avoir des scènes de son enfance au pensionnat. Mais ce n’est pas ça qu’il doit raconter au policier. C’est la conception du premier ordinateur et de son rôle pendant la guerre.

Inconvénient 5
Le héros se mets dans la merde. Ben oui parce que il raconte tout.
Dans Imitation game, Alan en racontant tout cela au policier, fait acte de haute trahison (il était sous secret d’état).
Dans Au revoir là-haut, (attention, spoilers!) Albert Maillard (Albert Dupontel) explique quand même à la police qu’il a trafiqué des documents militaires, monté une arnaque financière de malade, et assassiné quelqu’un !
Dans ces deux exemples et dans bien d’autres, le policier fini plein d’empathie pour le personnage principal. Nous les spectateurs, c’est normal, mais monsieur le flic, faites votre boulot s’il vous plaît, et arrêtez Dupontel. Je vous rappelle que ce criminel a encore l’argent sale sur lui.

Inconvénient 6
Enfin, des fois, on l’oublie. Oui, la scène introduisant la narration, qui donc se passe après, est des fois si courte et donne si peu d’infos, qu’on est surpris d’y revenir, en fin de film. Ou au milieu, moment où commence alors l’histoire « normale », celle qu’on va découvrir en même temps que le héros.
Dans le Disney Kuzco l’empereur mégalo on a droit à quelques secondes peu visuelles qui spoilent même ce qui aurait pu être une surprise, qu’on oublie complètement. En fait même, c’est en le voyant une deuxième fois que je me suis rappelé qu’on voyait cette scène au milieu du film. Quel était l’intérêt et aussi, à qui parlait Kuzco ?
En effet si un gars narrate du début à la fin, il peut parler au policier, ou au spectateur, ou écrire un livre (Les orphelins Baudelaire). Mais quand on rattrape le narrateur au milieu du film, il causait à qui ??
Et je ne parle pas des films qui commencent en « Vous vous demandez peut-être comment j’en suis arrivé là…« . Ce procédé-là a tellement gonflé les gens que je l’ai vu plus souvent en parodie qu’en vrai. Et hop le lendemain de la relecture de cette article, j’ai vu le film Sonic qui nous fait exactement ça…

Voilà je pense que la liste est assez longue. Je trouve ça nul. C’est tout.

Notez que je trouve les films cités super. Je regrette ce choix de narration, mais cet article n’est pas une façon déguisée de les critiquer.

Bien sûr, certains films en profitent pour tromper le spectateur…